2023-03-14 | Dr Justin PALUKU LUSSY
Dans un contexte sécuritaire précaire qui prévaut dans la partie Est de la RDC, notamment dans la région de Beni, la femme devient de plus en plus pauvre et n’arrive plus à supporter le coût des soins spécialisés dont elle a désespérément besoin. L’absence/insuffisance du personnel soignant qualifié dans les soins obstétricaux d’urgence en milieu rural en RDC empire la situation de la femme, dans un contexte culturel qui ne lui est déjà pas profitable en matiere de la sante de la reproduction.
A l’occasion de la Journée Internationale pour l’Elimination de la Fistule Obstétricale 2021, L’UNFPA a estimé entre 5000 et 7000 cas de fistules obstétricales par an en RDC, tout en soulignant que l’incidence pourrait être plus élevée dans le contexte où l’accès aux services des soins obstétricaux d’urgence est faible, pouvant atteindre 2 cas de fistule obstétricale pour 1000 accouchements. D’autres complications (prolapsus génital, ...) résultant d’une prise en charge non optimale de l’accouchement sont reportées en plusieurs endroits en RDC.
Conduite par Dr Justin PALUKU, Gynécologue-Obstétricien et chirurgien des fistules, une équipe des spécialistes de l’Hôpital HEAL Africa a gratuitement soigné 204 femmes qui avaient différentes pathologies uro-gynécologiques (fistules, prolapsus génitaux, déchirures du périnée, …). C’était au cours d’une double campagne de chirurgie mobile gratuite lancée à l’Hôpital Général de Référence de Beni le 07/02/2023 et clôturée à l’HGR de Lubero le 28/02/2023.
C'est dans l'idée d'alléger la souffrance de la femme en restaurant son sourire et son espoir d'un avenir meilleur que la campagne a été tenue, dans le cadre de l'exécution du projet de Prévention et Réponse aux Violences Basées sur le Genre, un projet du Fonds Social de la République Démocratique du Congo exécuté par HEAL Africa, avec les fonds de la Banque Mondiale.
Laissée pour compte, la femme a besoin de soins spécialisés
La mauvaise pratique obstétricale et la pauvreté, favorisent le développement des complications de l’accouchement dans les zones rurales de la RDC.
« Dans notre milieu, chaque grossesse apporte son lot de stress quant aux problèmes de santé qui pourraient en découler » , a indiqué un mari ayant accompagné son épouse aux soins à l’HGR de Lubero.
Quatre ans qu'elle vivait seule avec ses trois enfants depuis que son mari avait été enlevé et amené en brousse par un groupe armé opérant dans la région de Beni, Mme Kahambu (nom d'emprunt) a dû affronter la dureté de la vie après qu'elle avait quitté l'agglomération de Eringeti pour se mettre à l'abri en ville de Beni comme déplacée de guerre. Elle a dû vivre sous les affres d'une incontinence urinaire doublée d'un prolapsus génital qui lui a rendu la vie encore plus dure dans sa situation de déplacée de guerre.
« A Beni, j’avais été accueillie par une femme qui avait précédemment été traitée d’une fistule par une équipe médicale de l’hôpital HEAL Africa alors en mission de campagne chirurgicale pour femmes dans la ville. Prise de compassion à mon égard, elle avait accepté de m’accorder un travail de ménagère dans sa maison, pendant que les autres me rejetaient suite aux odeurs nauséabondes que je dégageais. J’ai pu nourrir ma famille grâce à cette occupation » , a-t-elle renseigné à son arrivée à l’Hôpital Général de Référence de Beni où elle a eu sa pathologie réparée.
Avec l'activisme des groupes armés dans la région, l'épreuve qu'a endurée Mme Kahambu ne constitue pas un cas isolé. C'est cela qui peut potentiellement arriver à chaque femme vivant dans le contexte de guerre et des conflits armés qui caractérisent la partie Est de la RDC. En proie à la pauvreté résultant de la guerre, la femme perd ses ressources, ses rêves et son espoir dans un avenir meilleur. Du coup, elle ne sait pas accéder aux soins dont elle a besoin, et cela résulte dans la survenue de complications de l'accouchement. Elle a donc désespérément besoin de soins réparateurs, la femme vivant dans la région.